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PATRIMOINE INDUSTRIEL

Patrimoine salinier

Les salins de Gruissan

Historique :

C'est une délibération du Conseil Municipal de Gruissan, en date des 13 et 15 Avril 1910, qui attribuait à la société des salines de l'île Saint-Martin le droit d'exploiter cette activité sur une superficie de 392 hectares. Défrichage et mise en forme du terrain sont aussitôt entrepris, ainsi que la mise hors de portée des raz-de-marée, grâce à la construction d'une digue de pierre de 15 km (carrières de Gamarre et Graniès). Le matériel Decauville (rails et wagonnets tirés par des chevaux) est utilisé. Le 1er Janvier 1912, la direction technique est confiée à un saunier confirmé, Paul Marty, et dès 1913, la récolte fut de 100 sacs (5 tonnes). En 1914, la mise en camelle se pratique (avec la banaste). Par la suite, des perfectionnements techniques successifs permettent des récoltes de 25 à 30 000 tonnes.

Un peu de technique :

Dans un salin, le clorure de sodium (Na Cl) estrait de l'eau de mer par évaporation. 1 litre d'eau de mer contient 28 grammes de sel ; par l'action conjuguée du vent et du soleil, il faut obtenir une concentration de 260 g / l pour que le sel se dépose. Pour cela, dès le mois de Mars, on fait circuler et séjourner l'eau de mer dans une mosaïque de partènements ou tables de saunage de 1 à 1O hectares de super fière, reliées les unes aux autres par d'étroits passages que l'on contrôle par des vannes de bois, les martellières. En Juillet - Août, quand les eaux-mères, en fin de parcours, atteignent le point de cristallisation (25° Baumé), elles sont déversées dans les tables salantes où le sel se dépose en cristaux. Ces tables demandent une préparation spéciale : nivelage parfait, surface recouverte d'une sorte de "feutre" provenant des matières en suspension et compacté en hivers par des rouleaux.


La récolte :

- Autrefois : De 1913 à 1962

La récolte artisanale comprend 2 étapes :


Le battage qui consiste à enlever le sel avec une pelle spéciale, le pellegrain et à le mettre en tas. Après écoulement de la saumure, la pièce salante apparaît recouverte d'une blanche couche de 5 à 7 cm d'épaisseur. Les sauniers, avec leur compas, déterminent l'emplacement des tas au centre de carrés égaux. Les "palegayrés", armés du pellegrain, enlèvent le sel pour le mettre en tas (ou gerbes) de formes conique. En fin d'opération, la pièce salante a perdu sa blancheur légèrement rosée (carotène) pour ressembler à un immense campement.


Le levage : Une fois séché, le sel est enlevé par une équipe spécialisée travaillant avec un matériel simple. Les wagonnets, circulant sur des rails déplacés au fur et à mesure, sont remplis de sel par des ouvriers très habiles qui manient la pelle avec une grande dextérité. Ils sont poussés jusqu'à la trémie d'un élévateur dont le tapis roulant déverse le sel pour le mettre en canelle. Trois "camelayrés" déverssent l'engin et assurent la parfaite géométrie de ce prisme impressionnant. Des femmes ou enfants, munis de petites pelles en cuivre, enlèvent "les figues" (petites particules de feutre) arrachées par le bec de cuivre du pellegrain. Ce sel servait à la consommation alimentaire : il était important de le stocker dans un parfait état de propreté en recouvrant les camelles de tuiles mécaniques simplement posées. Le levage commençait une dizaine de jours après le battage et durait jusqu'aux vendages. Il était effectué par des ouvriers très entraînés, alors que le battage, commencé par tous le premier lundi de Juillet, se poursuivait avec une main-d'oeuvre hétéroclite, composée de femmes, d'enfants et d'adultes moins jeunes. Prés de 40 personnes travaillaient ainsi en Juillet et Août (à la rage du soleil !) effectuant le trajet village-salin (1,5 km) le plus souvent à pied, avec pour seul compensation de voir arriver, surtout au milieu de l'après-midi, les préposés au "coco", groupes de 2 jeunes portant sur leurs épaules une cruche poreuse remplie d'eau additionnée de "coco marseillais" sorte de poudre de réglisse qui étanchait notre soif.


- Aujourd'hui : Depuis 1962, la récolte est mécanisée.

Une quinzaine d'ouvrier seulement, opérant avec des robots-batteurs et des locomobiles tractant de grosse bennes, assurent à la fois le battage et le levage du sel. Celui-ci est ensuite lavé avec la saumure et mis en camelle par un puissant tapis roulant. Cette mécanisation a entraîné la modification des tables salantes : défeutrage, désulfitage, ... et le sel produit, de moins bonne qualité, est destiné à l'industrie ou au salage des routes.


- Et demain ?


Le salin continuera sa production, comme le prévoit le bail, récemment renouvelé, entre la Commune et la Compagnie des Salins du Midi et salines de l'Est.

Mais, pour mieux comprendre demain, parlons encore d'hier !
Dans les années 20 et 30, les salins occupaient une soixantaine d'ouvriers à l'année et permettaient à plusieurs centaines de saisonniers (hommes, femmes, enfants) de travailler à la récolte. Aujourd'hui, le salin de Gruisan, toujours le même ! assure 11 emplois permanents et une dizaine d'emplois saisonniers. Dans le tissu économique de Gruissan cette perte de main-d'oeuvre a été cruellement ressentie. Elle explique en partie la baisse de population du village après la Libération. Le tourisme, depuis les années 70, corrige heureusement notre démographie. Et les salins offrent, à nos hôtes estivants, une curiosité géographique et économique qui ne manque pas de les intéresser.

Pierre Salençon
Roger Bonnot
 

 

















Photos Claude Fagedet
(ci-dessous)


Récolte du sel



Le gruissanais saunier



Insensiblement les techniques ont évolué et la mécanisation rend le travail de l'homme moins pénible.

Cf : Gruissan d'Autrefois n° 44
F. G